Les sentinelles de la RSE
Chercher, informer
Pharmacienne… Et pourquoi pas médecin ? Non, vers ses 12 ans Valérie Sautou ne rêvait pas d’être médecin mais, en entendant la cousine de sa maman lui raconter les coulisses de l’officine, entre chimie, biochimie, physique, biologie végétale, galénique, elle avait décidé qu’elle serait pharmacienne, avec, assez tôt, une profonde envie de recherche, de développer des médicaments.
« La pharmacie était une façon détournée d’apporter ma contribution au domaine de la santé. Offrir indirectement mon énergie aux malades. Agir pour eux tout en restant en retrait ».
Après des études dans son Cantal natal jusqu’au lycée, à Mauriac, des études de pharmacie en Auvergne puis un internat de 4 ans à Lyon et Saint-Étienne, elle retrouve au CHU de Clermont-Ferrand, son domaine, la recherche hospitalo-universitaire.
« Il faut, pour moi, qu’il y ait un lien direct entre la recherche et le malade, que je puisse voir rapidement son application. C’est ça qui me stimule ».
Le patient, toujours au centre de ses travaux.
« Je suis Professeur des Universités-Praticien Hospitalier en pharmacie clinique, dans ma recherche universitaire, j’ai développé des thématiques de recherches qui sont très en lien avec la pratique. Une recherche qui, il y a quelques années, n’était pas considérée comme assez fondamentale »…
Aujourd’hui, observer ce qui se passe entre la seringue, la tubulure et le médicament perfusé, faire des dosages à la sortie et se rendre compte qu’il s’y passe plein de choses, notamment que certains médicaments interagissent avec les plastiques, que des composés présents dans le dispositif médical sont relargués, n’est plus regardé comme non fondamental.
« On ne peut pas dire qu’on fait de la pharmacie clinique, qu’on s’intéresse au patient, que l’on est attentif à ce qu’il ait toujours le bon médicament à la bonne dose au bon moment et ne pas s’intéresser au dispositif médical », s’insurge-t-elle. « On doit observer ce qui se passe à l’interface » !
La pharmacienne des hôpitaux Valérie Sautou monte des études au sein d’une unité CNRS sur cette thématique des interactions contenant/contenu. Elle obtient des financements qui lui permettent de poursuivre ses recherches translationnelles entre fondamental et appliqué : expositions aux risques des phtalates, aux autres composés qu’on ne connaît pas encore… Mais tout cela ne suffit pas, il faut ensuite sensibiliser, informer. À commencer par les fournisseurs.
« Nous voulons protéger nos populations les plus à risques et nous intégrons donc des critères visant à diminuer les interactions contenu-contenant dans le cahier des charges des achats de dispositifs médicaux ».
Comment choisir entre la super technicité d’un dispositif médical et sa composition moins performante, et vice versa ?
« En ce qui concerne, par exemple les dispositifs médicaux en PVC, nous pouvons contrôler leurs compositions en plastifiants et connaître ceux pour lesquels le risque est le moins important. Nous demandons également aux industriels de nous fournir la documentation sur la composition de leurs dispositifs, ce qui n’est pas toujours facile »…
Autre exemple, les poches de sang en PVC relarguent du DEHP, un perturbateur endocrinien connu qui a cependant la qualité de stabiliser les globules rouges. Si on le remplace par un autre plastifiant, les poches ainsi faites n’ont pas, pour l’instant, le même gage de qualité pour préserver le sang.
« Alors, vaut-il mieux, du sang mal conservé ou un peu de phtalates dans le sang ? », s’interroge Valérie Sautou. « Sincèrement, on a fait des progrès mais ce n’est pas suffisant ».
Un travail de fourmi, de patience qui doit se faire connaître.
« Il faut communiquer, sensibiliser mais sans mettre le feu aux poudres et parler des solutions parce qu’il y en a ! Trouver le bon moment pour le faire. Mais comment le faire ? Comment m’y prendre pour faire avancer les choses, alerter sans provoquer ? »
Valérie Sautou s’est lancée et a posé sa candidature au conseil scientifique de l’ANSM et y est rentrée en septembre dernier. Une possibilité de mettre en avant la sécurité des dispositifs médicaux. Cette chercheuse qui respire une vraie luminosité, avoue être tatillonne, avoir l’exigence un peu pesante, être accroc au livre, elle lit le matin au petit-déjeuner, dans le tram, écoute la musique des années 80 via spotify, a un souhait :
« Continuer à faire mon travail d’hospitalo-universitaire le plus longtemps possible et avoir du temps pour mener à bien tous ces travaux et les partager mais j’aimerais pouvoir me poser pour écrire. Pour faire passer des messages… »
Propos recueillis par Véronique Molières