Les Sentinelles de la RSE / Agence Primum non nocere
Thomas, responsable de la communication, passé à la communication responsable
Après avoir écouté Thomas bourgeois, on ne regardera plus son ordinateur avec le détachement d’un geek affranchi des problèmes de la planète. On hésitera plutôt deux fois qu’une, avant d’envoyer un mail à un collaborateur à l’autre bout de l’espace partagé. On pèsera le pour et le contre d’une photo à 9 MO, et l’intérêt d’une vidéo en full HD. On se croyait vertueux en oubliant la touche imprimer. On découvre que le virtuel pollue aussi.
Le poids énergivore d’un simple mail
« Ce n’est pas parce que c’est dématérialisé que ça n’a pas d’impact sur l’environnement » résume le chargé de communication depuis un an et demi chez Primum Non Nocere. A force d’entendre ses collègues parler développement durable, réduction des déchets en milieu hospitalier, pratiques de soins plus écologiques, il fait son mea culpa. » Dans le domaine de la communication, on pense nombre de like, de partages, de visionnages, statistiques d’une campagne de communication… Mais je me suis demandé : pourquoi moi je ne me sentirais pas concerné par ces impacts ? ».
Il mène sa petite enquête, récolte des données encore rares dans ce domaine inexploré et tombe sur un chiffre choc. La vidéo de Gangnam style, star sur Youtube, entre sa conception, sa diffusion et ses visionnages et partages, a dépensé l’équivalent d’énergie produite par une petite centrale nucléaire pendant un an.
Autre rapport bluffant. Un seul mail envoyé avec une pièce jointe d’un mega octet à dix contacts, équivaut au fonctionnement d’une ampoule sur une journée. Cette prise de conscience aboutit à une remise en question complète de son métier autour de trois questions essentielles : l’intérêt, la pertinence et l’efficacité de ce qu’il est en train de faire. Est-ce pertinent d’envoyer un mail à 150 collaborateurs pour annoncer un changement dans l’heure de la cantine, là où serait aussi efficace une simple affiche un peu design, collée à un endroit stratégique où tout le monde passe ? « Est-il vraiment intéressant de filmer en 4K, soit l’ultra HD, une vidéo, certes parfaite, mais qui ne sera diffusée que sur des supports à résolution réduite. Et qui pèse un âne mort dans les espaces de stockage ». Des datas centers de plus en plus nombreux, avec des climatisations fonctionnant 24 heures sur 24.
Un des cinq experts en France
Depuis plus d’un an, Thomas Bourgeois rédige un mémoire universitaire, qui deviendra sans doute bouquin, sur la communication responsable. Il en est même devenu l’un des cinq experts en France et donne des cours aux étudiants en communication.
Défricher ce terrain plaît à cet enfant de soixante huitard dans l’âme, réfractaire à l’autorité dès qu’il n’en reconnait pas la légitimité. Cette insoumission lui ferme les portes de l’école d’infirmiers. Le garçon, assez renfermé, découvre alors la communication, à travers les bouquins puis décroche une licence à l’université Paul-Valéry. A défaut de trouver un boulot dans sa branche, il se tourne vers l’hôtellerie, travaille à Lamalou puis à Montpellier, dans une chaîne d’hôtels. Quand une collègue se fait agresser par un client, il s’interpose, rapporte l’incident à sa hiérarchie. Et s’entend répondre qu’on ne blackliste jamais un client, ni ne porte plainte contre lui. Il démissionne le lendemain.
Une vie à la Kerouac
Retour à la communication. Il apprend en autodidacte l’infographie, le web, la 3D et monte sa propre boîte. Une mairie lui fait un appel du pied. Il rejoint son équipe. « Cela s’est très mal passé dès que je me suis aperçu du gaspillage de l’argent public. J’ai soulevé le lièvre. » Conséquence, trois mois de placard. Il claque la porte de la mairie.
« Je pars quand cela ne me plaît pas, c’est ma logique, c’est risqué mais jusque-là, j’ai toujours réussi à rebondir ». Le premier livre offert par son musicien de père était « Sur la route » de Jack Kerouac… Il lui a aussi transmis l’amour de la musique. Thomas, bassiste, joue au sein du big band du conservatoire de l’Agglo. Et à ses heures perdues, lit les aventures du « guide du voyageur intergalactique », l’histoire, teintée de l’humour anglais, d’un terrien emmené en stop dans l’espace. Thomas, pour l’instant, garde les pieds bien plantés sur cette planète. Pas question de la quitter sans au moins tenter de la sauver.
Propos recueillis par Annick Koscielniak, Journaliste.