Les Sentinelles de la RSE / Agence Primum non nocere
Pierre, un mode de vie minimaliste
On ne s’étonne plus de ce jeune homme juché sur son monocycle, en roue libre, au cœur de la cité. Intrigués les premiers temps, les Biterrois se sont habitués, depuis quatre ans, au moyen de locomotion préféré de Pierre Gremet. Il garde quand même une voiture de secours mais ça lui pèse. À 38 ans, ce Lyonnais adopte un mode de vie de plus en plus minimaliste. À chaque achat, il se pose une question. En ai-je besoin ? Si la réponse est non, il met un mouchoir sur le désir. « Je préfère me concentrer sur les choses qui me font du bien, sur la relation avec les gens que sur la possession d’objets. »
« Ils avaient dix ans d’avance »
C’est peu dire que la démarche de développement durable parle au consultant de Primum Non Nocere. Il est encore ingénieur en qualité dans un établissement de rééducation fonctionnelle et de réadaptation professionnelle pour handicapés, quand il découvre les travaux et l’agora du C2DS ou comité de développement durable en santé, fondé par Olivier Toma. Il suit leurs travaux avec passion, collecte toutes les informations sur ces mystérieux perturbateurs endocriniens, avancés par des chercheurs scientifiques.
En 2010, ces termes et ces préoccupations arrivent timidement. Une petite brise souffle dans les exigences de la qualité. On entend réduction de consommation d’énergie, achats responsables, gestion des déchets. « Je travaillais sur du diagnostic, des autoévaluations, des baromètres, Les seuls qui bossaient là-dessus à l’époque étaient au C2DS. Ils avaient dix ans d’avance, avaient déjà bien réfléchi. Ils faisaient le lien entre les scientifiques et le terrain. D’ailleurs, ils ont aidé les autorités de santé à introduire les critères de développement durable dans la certification hospitalière. J’y collectais de l’information, je suivais leurs groupes de travail, sans imaginer qu’un jour une agence pro se monterait ». Encore moins qu’il y serait embauché.
Entre Gandhi et les nudges
Pierre s’éduque sur le tas. Lors de covoiturages, il débat avec ses aînés, de la société, de son évolution, on lui conseille des auteurs. La transformation poursuit son chemin. Il réussit à animer un comité de pilotage sur le développement durable dans son établissement. On l’écoute pour la forme et on ricane quand il lance « les perturbateurs endocriniens sont le prochain scandale sanitaire ». Il passe pour un extraterrestre. Tiens justement, la planète terre l’inquiète, avec le changement climatique. À force de persévérance, Il monte des modules de sensibilisation, puise dans le vivier du C2DS, devient une véritable éponge. « Du coup, la partie qualité ne m’intéressait plus, ou plutôt était devenue secondaire ».
Ce qui devait arriver arriva. Pierre rejoint l’équipe de Primum. Il y ingurgite encore des tonnes de connaissances. « On est toujours en mouvement. Rien n’est figé, on expérimente, on s’interroge, on change de discours, on teste de nouvelles approches ». L’aspect purement réglementation, c’est fait, la sensibilisation, l’exemple, c’est fait. Il brûle de travailler avec les nudges, coup de pouce en français. Issue de l’économie comportementale, une nouvelle discipline au croisement entre économie et psychologie. « C’est une façon de s’adresser à l’inconscient, au moyen de petits symboles qui vont orienter un choix, de manière intuitive et systématique, sans que l’on y réfléchisse. On est au balbutiement de cette science comportementale ».
Mais cela ne suffit pas aux yeux de celui qui est en quête de vérité, d’authenticité. Qui cite Gandhi : « Il faut être le changement que l’on veut voir dans le monde ». Pierre a entamé le sien. » De quoi ai-je besoin dans ma vie pour être heureux, puis-je sortir de ma routine, trouver mon bonheur ailleurs que dans le plaisir de la possession éphémère et très frustrant qui amène toujours à l’insatisfaction ». Il est convaincu en tout cas que la peur, l’angoisse des gens brident leur créativité, tue cet imaginaire qui leur permettrait de trouver les solutions.
Propos recueillis par Annick Koscielniak, Journaliste.