Les sentinelles de la RSE / Primum non nocere
Philippe Vandewoestyne, directeur du pôle urgences et directeur du développement durable du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille.
« L’humain est, et doit être, au cœur du développement durable »
Quel est votre rôle au sein du CHRU de Lille ?
Depuis janvier, je suis directeur du pôle urgences et directeur du développement durable (1) du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille. Ce dernier compte dix établissements, 3190 lits installés et emploie 16000 professionnels. Le développement durable est avant tout un travail collectif. La direction développement durable est une petite équipe (1,2 ETP) en charge de la coordination de la politique développement durable de l’établissement qui en a fait un axe stratégique depuis 2009. Tous les acteurs sont mobilisés autour du développement durable. Nous avons deux cents ambassadeurs développement durable au sein du CHRU et nous travaillons en mode projet sur toutes les actions que nous menons. L’objectif final est que le développement durable s’intègre dans toutes les activités et les comportements des professionnels de santé. Et que les 16 000 personnes qui travaillent au CHRU de Lille deviennent 16 000 ambassadeurs du développement durable.
Comment êtes-vous venu à la RSE dans votre parcours professionnel ?
J’ai une formation d’ingénieur. Avant d’intégrer le CHRU, j’avais déjà la fibre développement durable. J’ai travaillé dans la maitrise de l’énergie et la valorisation des déchets au niveau européen. À mon arrivée, nous avons travaillé sur les déchets, la qualité de l’air et la structuration du management des risques au sein de l’établissement.
Quel sens donnez-vous à votre démarche ?
Le développement durable est une priorité de vie. C’est le bien vivre ou le mieux vivre ensemble. Il se décline à travers différentes dimensions : l’humain, les valeurs, la santé, le handicap. L’humain est, et doit être, au cœur du développement durable. Au quotidien, c’est une implication individuelle au service du collectif que sont les professionnels de santé, les usagers et les citoyens.
Quelle est l’action exemplaire que vous avez mise en place dans votre établissement ?
Au départ, nous avons beaucoup travaillé sur le développement durable : eau, déchets, transports, achats, sensibilisation des personnels, gaspillage alimentaire… Nous avions des projets environnementaux très techniques, et progressivement, le champ s’est enrichi et ouvert à la biodiversité, aux perturbateurs endocriniens… Maintenant, nous avançons sur la RSE et même la RSO. Je note deux actions exemplaires majeures. Premièrement, sur le plan organisationnel, la pertinence du comité développement durable, une organisation de coordination reconnue et au plus proche du terrain. Deuxièmement, la mobilité des professionnels suite à des ateliers de concertation menés sur plusieurs années. Aujourd’hui, nous assistons à une réelle évolution de la culture santé durable chez les professionnels de santé et les usagers. Ils proposent de plus en plus de projets et d’actions issus du terrain. Le développement durable devient petit à petit une culture et un comportement. C’est bien cela qu’il faut faire émerger.
Quels sont les principaux enjeux sur lesquels il faut agir ?
La priorité des priorités, ce sont les perturbateurs endocriniens. L’objectif est de protéger l’enfant dans les 1000 premiers jours de vie jusqu’à ses deux ans. C’est ce que nous menons à l’hôpital et la maternité Jeanne de Flandre qui a été labellisé Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Cela implique de revoir toute la politique d’achat ainsi que l’éducation des parents. Pour mener une politique en santé durable, il faut impérativement passer par l’évaluation. Cela permet d’identifier ce que l’on peut améliorer et valoriser ce qui a été bien fait.
Qu’auriez-vous envie de dire à d’autres pour leur donner envie de se lancer ?
Ce n’est pas une question facile. Avec l’expérience, je dirais qu’il faut évacuer l’idée que le développement durable coûte cher. Il doit avoir un impact positif sur la qualité de vie au travail et améliorer le mieux vivre de tous, professionnels de santé, usagers et citoyens. Pour donner envie de se lancer dans la démarche, il faut s’enrichir des expériences extérieures, multiplier les rencontres, développer les réseaux et communiquer. Se lancer aujourd’hui dans le développement durable, c’est plus facile qu’il y a dix ans car la culture populaire dans ce domaine est au rendez-vous. Le développement durable c’est une approche qui valorise les professionnels de l’établissement, c’est une démarche gagnant-gagnant pour les professionnels, les usagers et les citoyens.
Propos recueillis par Isabel Soubelet (isabel.soubelet@sfr.fr)
(1)www.chu-lille.fr/actualite/developpement-durable-sante-durable