Réutiliser, c’est l’avenir !
Originaire du Nord, entre Douai et Valenciennes, le petit garçon actif, un peu turbulent, passe son bac à 17 ans. Après avoir été tenté par des études de commerce, Gabin Momal renonce, l’ambiance de la prépa lui déplaît. Ce sera médecine ;
« Je trainais dans le monde médical avec une mère pharmacienne et un père biologiste… Le dimanche matin, j’accompagnais mon père au labo. »
Gabin Momal
Pourquoi l’ophtalmologie ? En stage, les étudiants passent un peu dans tous les services hospitaliers et l’œil lui plaît.
« L’œil, c’est intéressant, ce tout petit organe en dit beaucoup sur l’état de santé des patients. C’est une spécialité assez complexe qui permet la pratique clinique, le laser, la chirurgie… »
Gabin Momal
Interne, il remarque la masse de déchets produits dans les blocs opératoires.
« Pour quelques interventions chirurgicales, on produit des sacs et des sacs de poubelles ! Il y a quelques décennies, avant la maladie de Creutzfeld Jacob et la vache folle, les services hospitaliers utilisaient du matériel réutilisable. Pour minimiser le risque infectieux et réduire les coûts, on est passé à du matériel à usage unique. Il est vrai que les services de stérilisation hospitalière aujourd’hui sont de grosses unités centralisées qui ont un coût de fonctionnement élevé. La facilité et le zéro risque ont mené à la pratique d’aujourd’hui : la passion pour le matériel jetable. Or, on se rend parfois compte qu’une partie des instruments du pack jetable pré-conditionné n’est pas utilisée ! Il faut donc faire émerger une réflexion autour de l’écoconception des soins, amorcer un changement de pratiques. »
Gabin Momal
Curieux, Gabin Momal mène son enquête.
« J’ai cherché ce qui avait été publié parmi les articles scientifiques pour calculer l’impact environnemental de différents actes. J’en ai trouvé un notamment particulièrement intéressant qui concernait la chirurgie de la cataracte. »
Gabin Momal
Le sujet de sa thèse était trouvé !
« En tant qu’interne, on pratique très souvent des injections intra-vitréennes et je me suis demandé quel était l’impact environnemental de cet acte commun et pourtant jamais analysé. J’ai donc décidé de l’étudier avec l’aide de l’Agence Primum non Nocere. Le résultat est édifiant : une seule injection intra-vitréenne génère plus de 16 kg d’équivalent CO2 de gaz à effet de serre, en comptant le transport du patient, l’utilisation de la salle, les consommables et sans tenir compte des méthodes de fabrication des produits et du matériel ! »
Gabin Momal
Où sont les solutions ?
« Il y a bien sûr les mesures d’hygiène. On ne peut pas faire prendre de risques aux patients. C’est une problématique sur laquelle tout le monde est d’accord mais pour opérer des changements pratiques à grande échelle, cela est parfois compliqué… Ne pourrait-on pas intervenir auprès des fournisseurs ? Je l’ai fait auprès de quelques-uns mais ils ne sont pas toujours très réceptifs. J’ai par exemple proposé à un fournisseur de travailler avec lui sur un produit 100 % français. Il ne m’a jamais répondu. »
Gabin Momal
Que faire ?
« Sensibiliser un maximum de médecins, les équipes paramédicales, les décideurs, les fournisseurs sur notre impact environnemental afin de faire bouger les lignes petit à petit. Tant que nous nous contenterons de choisir les produits les moins chers, ils viendront d’Asie, et nous fermerons les yeux sur les méthodes de fabrication, sur le transport (5,6 fois le tour de la Terre pour l’exemple du pack Injection intra-vitréenne sur mesure) et sur les déchets que nous générons par facilité. »
Gabin Momal
Gabin Momal a calculé les éventuelles économies que le CHU de Lille pourrait faire en appliquant ce principe d’écoconception des soins. Ce n’est pas rien.
« Une telle démarche pourrait déboucher sur une baisse de 45 % de l’impact environnemental, en termes de gaz à effet de serre et sur plusieurs dizaines de milliers d’euros d’économies en rationalisant les achats et en passant des instruments jetables à des instruments réutilisables qui tourneraient en circuit court avec l’unité de stérilisation du CHU ! J’aimerais que cette démarche d’écoconception des soins soit au cœur de mon futur travail, de la prise en charge du patient, quitte à ce que cela soit plus onéreux pour moi et même si cela entraîne des démarches, une dépense d’énergie supplémentaire. Il faudrait que ce soit plus facile. L’avenir est dans le durable, utiliser puis jeter est contre-nature ! Pour moi, l’avenir est la stérilisation. Peut-être y aura-t-il un jour, un Elon Musk de la stérilisation ! »
Gabin Momal
Après douze ans de foot et dix ans de judo, ce docteur junior (titre qui correspond à la cinquième année d’internat) aime l’aventure, les randonnées qui lui permettent de réfléchir comme celle faite sur le chemin de Compostelle ou celle prévue l’été prochain au Kilimandjaro.
Inquiet pour le futur ?
« J’espère qu’il n’y aura pas de recrudescence des guerres dans le monde, pour nous, pour nos enfants à naître. J’aimerais bien que l’humanité prenne conscience des problèmes environnementaux et qu’elle agisse en conséquence ».
Gabin Momal
Gabin Momal a confiance et est plutôt optimiste.
« Si l’humanité se met au travail, elle peut faire face. Aujourd’hui, nous avons des traitements que l’on n’avait pas hier. Demain, nous en aurons d’autres pour des maladies encore incurables aujourd’hui. Les innovations médicales sont stimulantes. Les innovations environnementales le sont tout autant ! »
Gabin Momal
Propos recueillis par Véronique Molières