Les Sentinelles de la RSE / Agence Primum non nocere
Fréderic Arnoux, responsable de l’entretien du foyer d’accueil médicalisé Les Agarrus de l’Unapei 30 à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard.
« Le développement durable c’est du bon sens »
Quelle est votre rôle au sein de cet établissement ?
Je suis l’homme d’entretien de l’établissement les Agarrus qui est un foyer de vie et un foyer d’accueil médicalisé (FAM). Nous accueillons des personnes adultes (18 ans et plus) en situation de handicap mental dont 14 vivent sur place. D’autres ne viennent que pour la journée. Je réalise les réparations d’électricité et de plomberie mais aussi les travaux de peinture et toutes les tâches liées au bon fonctionnement des bâtiments et des chambres. Je suis là depuis septembre 2016, et désormais tout le monde me connait au moins de vue.
Quel lien faites-vous entre votre activité et le développement durable ?
Le développement durable est dans ma nature et mon fonctionnement personnel. J’ai toujours appris à ne pas jeter, ne pas gaspiller, récupérer et réparer les choses. Cela vient de mon éducation. Pour moi, c’est vraiment du bon sens. Mais au quotidien, je ne le formalise pas du tout. Je le fais, c’est tout. J’ai toujours appris à me débrouiller. Face à une machine en panne ou un problème technique, il faut faire preuve de logique. Et il est vrai que lorsque j’ai du temps libre, j’aime inventer, comprendre comment les objets fonctionnent et décortiquer les mécanismes. Cela permet de trouver des solutions plutôt que de courir acheter une pièce neuve. Sur le plan personnel, j’ai une fille de huit ans, et je suis bien conscient de la raréfaction de certaines ressources. Je lui en parle et lui apprends à faire attention à tout cela. Dans ma vie quotidienne, je n’ai pas l’impression de faire un effort.
Pouvez-vous donner des exemples d’actions que vous menez au quotidien ?
Tous les jours, je fais le tour de l’établissement. Et dans ma façon d’être, je vais toujours en priorité chercher à réparer plutôt qu’à remplacer une pièce ou un matériel. J’ai l’habitude de tous les sons et de toutes les ambiances du lieu donc je détecte la moindre anomalie, comme une fuite d’eau par exemple. Ampoules, vide sanitaire, groupe électrogène, joints de plonge… Je passe tout en revu. Je n’utilise quasiment aucun produit chimique. J’ai inventé un outil pour déboucher les toilettes ou la douche de la chambre de certains résidents. Il faut s’adapter au lieu, au bâtiment et aux gens qui y vivent. Parfois ils peuvent avoir des troubles importants et je suis en lien avec la psychologue comme lorsque je constate un bouchage répétitif des toilettes. Ce sont des périodes où les patients sont inquiets. Toute ma démarche doit s’adapter aux résidents. Mais je ne me substitue pas du tout à l’éducateur. Je signale juste les évènements.
Votre attitude est-elle représentative de l’ensemble de l’établissement ?
C’est en effet la philosophie du lieu. Nous avons une directrice, un chef de service et toutes les autres personnes sont au même niveau. Nous avons assisté à un séminaire de deux jours sur la bientraitance et tout le monde était présent : la direction, les soignants, les éducateurs, la psychologue, la femme de ménage et moi-même. Tout le monde se sent engagé et concerné. Réparer plutôt qu’acheter nécessite du temps et de la confiance entre nous. Et nous avons les deux.
Quels sont à votre avis les enjeux prioritaires en matière de développement durable ?
Le plus important, c’est l’économie circulaire. Il faut apprendre à jeter le moins possible et à réutiliser ce qui a été produit. Quand je dois réparer quelque chose, je commence toujours par regarder ce dont je dispose dans mon atelier où je stocke un peu tout ce que je trouve. Quand je dois acheter un élément, je l’achète en vrac. Le vrac existe pour l’outillage, les vis, les boulons, les écrous, les rondelles… Sur le site, nous n’avons par exemple pas acheté de débroussailleuse. Nous faisons intervenir l’Établissement et service d’aide par le travail (Esat) de l’Unapei 30. J’ai également choisi des LED solaires, dans certains endroits, comme le cabanon, plus écologiques et plus faciles à mettre en place. Toutes les demandes deviennent un jeu pour moi. Je cherche et je trouve une solution qui n’est pas celle d’acheter une pièce neuve.
Qu’auriez-vous envie de dire à d’autres pour leur donner envie d’agir ?
Si on a envie de le faire, cela n’est pas compliqué. Il faut apprendre, réfléchir, et avec la pratique cela devient naturel. Un peu comme un réflexe. C’est vraiment une façon d’être, ma façon d’être. Ce n’est pas un concept ! Cette démarche de non gaspillage fonctionne et permet de faire des économies même si avec la place de l’électronique dans les machines, cela devient plus compliqué.
Propos recueillis par Isabel Soubelet (isabel.soubelet@sfr.fr)