Les Sentinelles de la RSE / Agence Primum non nocere
Ahmed Idhammad, chargé de développement durable au Centre Hospitalier Universitaire Mohammed VI de Marrakech au Maroc.
« Se lancer dans la RSE est une belle aventure »
Quel est votre rôle au sein du CHU ?
Depuis 2012, je suis chargé de développement durable au sein du CHU de Marrakech, établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il se compose de quatre hôpitaux et deux centres d’une capacité totale de 1548 lits, et emploie 2600 professionnels. À savoir l’hôpital IBN TOFAIL à vocation médico-chirurgicale, l’hôpital IBN NAFIS à vocation psychiatrique, l’hôpital mère-enfant à vocation gynéco-obstétricale et pédiatrique, l’hôpital AR-RAZI à vocation médico-chirurgicale, le centre d’hématologie-oncologie, et enfin le centre de recherche clinique.
Comment êtes-vous venu à la RSE dans votre parcours professionnel ?
Cela s’est fait au fur et à mesure en rencontrant des collègues étrangers, en participant à des forums et en échangeant avec de nombreux professionnels lors de la Paris Healthcare Week. Le développement durable suscite un grand intérêt et les 17 ODD du programme des Nations-Unies le prouvent. En Afrique, les hôpitaux sont avancés dans de nombreux chantiers. Il est important que chacun puisse profiter des expériences et des réussites des autres. C’est la notion d’intérêt collectif qui m’a donné l’idée d’aller dans la direction du développement durable. Nous avons ainsi au sein du CHU de nombreux projets structurés qui intègrent la RSE.
Quel sens donnez-vous à votre engagement ?
En 2017, j’ai créé l’A2DS(1), une association pour le développement durable en santé dont je suis le président. Le but est de fédérer, promouvoir, encourager et soutenir les initiatives en matière de développement durable et de protection de l’environnement dans les établissements de santé (CHU), sociaux et médico-sociaux, et les maisons de santé. J’ai vu beaucoup d’expériences en Europe, et de belles réussites au Maroc. Aujourd’hui, nous avons 30 hôpitaux adhérents dont 15 au Maroc. Les autres pays concernés sont le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Gabon, la Tunisie, l’Egypte. En avril 2019, nous avons organisé une journée africaine du développement durable en santé (JA2DS) à Casablanca, et en juillet, un congrès sur le développement durable au Sénégal.
Existe-t-il des spécificités au continent africain en matière de développement durable ?
Oui en effet. Il est nécessaire d’adapter les concepts et les problématiques qui viennent d’Europe. Au lieu de calquer une démarche de progrès ou une solution en place dans un autre établissement, il est important de bien connaître le contexte africain. Un des grands sujets en Afrique, c’est la climatisation et donc une problématique de chaleur. Quand on réalise un audit énergétique, il doit être ciblé et adapté à cette spécificité.
Quels sont à votre avis les enjeux prioritaires en matière de développement durable ?
Le plus important est d’être dans une démarche d’amélioration continue et d’inciter les personnes à avoir une démarche de progrès de manière générale. Cela doit se faire à partir des moyens dont on dispose. Au Maroc, la politique du ministère de la santé s’organise autour de trois axes forts : la qualité des soins, les risques, et l’environnement, 3ème pilier de la stratégie nationale.
Quelle est l’action la plus emblématique de votre engagement dans la RSE ?
L’intégration du développement durable au sein du CHU en 2015. La réflexion a commencé dès 2007, puis le développement durable a été intégré au Projet d’établissement hospitalier (PEH) en 2014. Il est alors devenu institutionnel, intégré au conseil de gestion et bénéficiant d’un budget dédié. Une véritable feuille de route pour agir. En 2016, nous avons réalisé un audit énergie et créé un comité développement durable élargi à de nombreux acteurs. Ce dernier a pour mission d’impulser, coordonner, promouvoir, assurer le suivi de toutes les actions touchant le développement durable dans ses trois dimensions environnementale, sociale et économique. Enfin, en 2017, nous avons sollicité le ministère de la santé afin de dupliquer notre approche. Ces années de travail sont le résultat du long processus nécessaire pour convaincre les directions, les équipes, les professionnels.
Qu’auriez-vous envie de dire à d’autres pour leur donner envie d’agir ?
Se lancer dans la RSE est une belle aventure. Il faut bien comprendre la démarche, l’expliquer aux collaborateurs, savoir motiver les équipes, les associer intelligemment, valoriser leur travail et leurs actions. Il est très important de travailler sur des projets pilotes afin que chacun s’investisse pour ensuite capitaliser sur les résultats obtenus par la nouvelle démarche.
Propos recueillis par Isabel Soubelet (isabel.soubelet@sfr.fr)