Penser aux accompagnants et aux aidants
Un dépaysement à lui seul, Charles-Antoine Rouat. Bébé brésilien, il est adopté par une famille nombreuse bretonne. Il devient ainsi breton du Finistère nord et poursuit ses études secondaires en pratiquant de nombreux sports, « j’en faisais tout le temps » de l’escrime, il sera trois fois champion de France, et champion aussi en équipe bretonne de handball, sans oublier l’athlétisme. Il attrape aussi la bougeotte.
Après le bac, il s’engage dans des études de droit à la faculté de Perpignan sans but prédéfini mais où son cousin a, lui aussi, étudié. « Quitte à faire des études, autant aller le plus loin possible. » Il obtient une licence de droit public, un master 1 en droit constitutionnel fondamental et un master 2 en urbanisme, pour éventuellement s’orienter vers une carrière administrative. En parallèle de ses études, il travaille chez France Telecom, où un client qui travaille dans la finance lui propose un essai au sein de la holding Allianz France.
« J’accepte cet emploi pour un court laps de temps car le commerce de l’argent n’est pas pour moi. »
Charles-Antoine Rouat
Le voyage continue vers Nîmes où sa femme est mutée. Et lui, quel job ? Charles-Antoine Rouat reporte dans un tableau toutes ses envies, sans toutefois que la durée des études ne soit trop longue. Le but, « trouver un métier non vicié par l’argent et dans lequel je pourrais être proche des gens ». Et que sort-il de son tableau, le métier d’infirmier. Il s’inscrit en dernière minute au concours d’infirmier de Nîmes et il le réussit. Il est parti pour trois ans d’études. Entre-temps, il lance une start-up sociale qui propose des échanges de biens et de services entre particuliers. Un projet avant-gardiste, mais un échec…
En 2015, ce jeune infirmier est recruté par le service de réanimation du CHU de Nîmes. Un an plus tard, le voyage se poursuit. Il suit son épouse mutée à Béziers. Deux ans seulement plus tard et après la naissance de leur fille, nouvelle direction : Perpignan, où il restera quelque temps à l’hôpital de la ville, en poste de nuit en soins intensifs néphrologie.
Charles-Antoine Rouat n’est pas taillé pour un métier de surveillance mais pour la création, la mise en place d’idées. Il se voit proposer par la protection à l’enfance, l’édification d’un service expérimental : remettre sur les rails des adolescents difficiles, voire dangereux. « Un métier trop dur moralement et physiquement » puisqu’il subit une agression de la part d’un jeune. Charles-Antoine Rouat prend du recul, cogite, met son expérience et ses observations d’infirmier en pratique et il crée la start-up R-Mes dont il est aujourd’hui, directeur exécutif.
R-Mes, le messager aux pieds ailés ? Presque,
« à l’hôpital, lors des phases interventionnelles, les informations sont délivrées au compte-gouttes. La famille ignore si la personne est au bloc ou dans sa chambre, si elle a été opérée ou pas encore. Le téléphone de l’infirmier sonne en permanence. Or, ce dernier n’a pas toujours le temps de répondre et lorsqu’il répond, il ne soigne pas. »
Charles-Antoine Rouat
Avec R-Mes, il suffit au patient d’enregistrer sur l’application gratuite, avec un code établissement et un code service, les numéros de téléphone de ses proches. Ces derniers recevront des informations en temps réel sur son parcours de soin, de sa chambre, au bloc et en salle de réveil. Le soignant gagne du temps et les proches sont rassurés.
« R-Mes rentre dans la démarche développement durable Iso 14 000 par le management environnemental. En réduisant le temps téléphonique de l’infirmier, cette application augmente sa disponibilité. Il peut exercer son métier, prodiguer des soins. »
Charles-Antoine Rouat
Ce dispositif expérimenté en août 2021, est mis en service dès novembre dans deux hôpitaux de Meurthe-et-Moselle. Une activité prenante, Charles-Antoine Rouat n’a même plus le temps de faire un tour sur les terrains de rugby, lui qui a été fondateur du club de rugby universitaire de Perpignan : Via Domitia, mais la relève est assurée ; son fils, un fan du ballon ovale, s’entraîne plusieurs heures par semaine. Reste pour ce sportif de haut niveau, la randonnée.
« Tous les 15 jours, je pars avec un copain infirmier qui me choisit une randonnée mais ce n’est pas évident d’en faire régulièrement. »
Charles-Antoine Rouat
L’aventure, Charles Antoine Rouat la côtoie aussi avec Georges Orwell puisque 1984 demeure son roman préféré. En matière de bandes dessinées, il attend leprochain Patrice Pellerin, L’épervier.
« J’ai lu tous ses albums, je les apprécie beaucoup. J’aime aussi De Cape et de crocs d’Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou. C’est une bande dessinée particulière, une histoire d’aventure dans la veine des romans de cape et d’épée et dont l’univers comprend de nombreux éléments de fantasy. J’ai aussi découvert un manga, L’attaque des titans, une histoire dure, des dessins surprenants mais avec une philosophie de l’humanité exceptionnelle. »
Charles-Antoine Rouat
L’Humanité,
« il faudrait que les gens accèdent au bonheur. Je voudrais que mes enfants aient le même type d’enfance heureuse que moi. »
Charles-Antoine Rouat
Propos recueillis par Véronique Molières