Les sentinelles de la RSE
Brice Lalonde, vert ad vitam aeternam
On peut être né à Neuilly- sur-Seine et être Breton. Être Breton un peu plus à chaque vacance passée dans la grande maison de Saint-Briac-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine, où ses grands-parents venus d’Amérique, avaient choisi de vivre. Face à la mer. La Bretagne, Brice Lalonde l’aime.
« La mer n’est jamais la même, il fait beau deux fois par jour au moins. Et puis c’est romantique, Brocéliande, les légendes. J’étais sensible à la Bretagne mystérieuse, finistérienne ».
Vous avez dit romantique ? On peut (plus que) soupçonner Brice Lalonde de l’être… Alors, Bretagne, romantique… et Chateaubriand ? Justement.
« Je suis en plein dedans, je relis les Mémoires d’outre-tombe ».
La jubilation est là lorsqu’il parle de l’homme de Combourg et de conclure :
« On ne s’ennuie pas avec le Vicomte » !
Sa mère, championne de concours hippique et éleveur de chevaux, initie l’adolescent solitaire aux plantes, elles resteront une passion, et à la cueillette des champignons. L’écologie frissonne… S’il aime le football, s’il est fanatique de musique classique, plus Beethoven que Chopin, romantisme oblige, il est passionné par l’archéologie et notamment par la préhistoire. Les fouilles ? Il fait !
« Ça apprend l’écologie parce que sur la préhistoire, comme il n’y a que des petits bouts de silex à trouver, en réalité, on reconstitue l’écologie de l’époque ! Vous apprenez la durée, la très longue durée ».
Parlant de durée, cinquante ans de militantisme écologique, qu’est-ce que c’est ? C’est déjà découvrir la planète Terre en 1969 avec les photos prises par les « marcheurs » d’Apollo XI. La Terre vue de la lune. Fantastique pour lui, l’amoureux de la science fiction façon Asimov, c’est la révélation ! La conscience de sa protection est là et Brice Lalonde « prend sa part », il rejoint les Amis de la Terre. Dans les années 70, après une licence de lettres classiques à la Sorbonne, une de droit à Assas, entre deux dessins, il est caricaturiste et fan de BD, il rejoint René Dumont, le pionnier de l’écologie politique en France.
Militant, c’est être marginal. Amoureux de la bicyclette, « n’aimant pas les bagnoles », il participe, en 72, aux manifestations à vélo contre le projet des voies sur berges. « Plus d’autos, des vélos ». Un succès.
« Et on a gagné ! »
Le mouvement écologiste…
« J’étais dans les premiers et toute la bataille consistait à forcer mes contemporains à considérer que l’écologie était centrale. »
Il y a eu bien d’autres batailles, pour quelles victoires ? Ministre de l’Environnement (1988-1992) où il « fait » (le pot catalytique imposé aux constructeurs automobiles, c’est lui), fondateur de Génération écologie (11 % des sièges aux régionales de 1992), maire de Saint-Briac-sur-Mer, ambassadeur pour le climat…
« Faire avancer les choses, c’est long et difficile. Je suppose qu’il y a des politiques plus talentueux que d’autres et qui vont plus vite. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à tout régler qu’on ne doit pas continuer à lutter. Je reste persuadé que le petit grain de sable ou la petite intervention au bon moment peut changer énormément de choses ».
Et de raconter : « En 76, quand la loi de protection de la nature disait… » Aujourd’hui, cet homme non conventionnel, élégant, « au charme fou et à la formidable rapidité d’esprit » disent celles et ceux qui ont travaillé avec lui, plus, avoue-t-il Gutenberg que Netflix, qui a relu, pendant le premier confinement « À la Recherche du temps perdu », de A à Z, précise-t-il, les « Essais de Montaigne », et, bien sûr quelques livres sur l’écologie, qui a parlé poésie avec le commandant Massoud, est président d’EdEn, une association d’entreprises qui travaille sur la décarbonation.
« Ces industriels qui font des voitures, des bâtiments, du génie thermique, des chaudières, de l’électricité, sont très intéressants parce qu’ils vous disent ce qu’on peut faire dans les 3 ans, dans les 5 ans, combien ça coûte et ce qu’il faudrait changer. C’est de l’action concrète et, progressivement, on voit les erreurs des politiques, leurs manques, leurs à-peu-près ».
Il y a de la passion, de l’enthousiasme dans son récit ! Un petit grain de sable Brice Lalonde ? Un grain de sable près de la mer, celle qu’il rêve nourricière et qui ne l’est plus.
« Quand j’étais jeune, nous allions pêcher à pied, comme Colette à Saint-Coulomb. Et puis alerte, il y a un conteneur qui s’échoue, les pompiers font une zone de protection. Un conteneur, des produits chimiques ? Le danger vient de la mer maintenant… C’est horrible ».
Tout l’intéresse, la cause animale aussi :
« j’aimerais qu’il y ait des oiseaux comme il y en avait au Moyen Âge ».
Où l’on reparle du temps…
« Il y a les bœufs et les papillons, les premiers tracent leur sillon, on a besoin d’eux, ils sont courageux et puis il y a les papillons qui vont d’un truc à l’autre mais in fine, s’ils n’étaient pas là, il n’y aurait pas fécondation, on serait dans nos sillons mais on ne saurait pas le monde. Ce sont les papillons qui, en réalité, fécondent le monde en apportant dans une discipline, d’autres idées ».
Alors Brice Lalonde, bœuf ou papillon ?
« Je ne sais pas si je suis papillon ou bœuf. Peut-être qu’au bout du sillon, on se repose et on devient papillon »…
Propos recueillis par Véronique Molières – https://www.bvm-communication.com/