Les sentinelles de la RSE
Le désir d’explorations
La médecine ? Si elle s’est avérée être une vraie vocation, elle n’est pas une vocation d’enfance. Alexandre Herbland aspirait à des études de sport de haut niveau mais le timing en classe de première en a décidé autrement. Être indépendant tout en gardant un pied dans les sciences, il a donc fait médecine.
« Dès les premiers cours, j’ai su que ça me plairait. L’anatomie me faisait rêver, pouvoir identifier toutes les parties du corps et savoir comment elles fonctionnent ».
Le sport n’est jamais bien loin…
« J’ai toujours aimé m’exprimer corporellement, avec le sport, tout ce qui roule et glisse, planche à voile, ski, kite surf et avec la danse, je suis un passionné de salsa ».
Avec un père océanographe, une mère professeur de biologie, l’enfance est jalonnée de voyages, d’explorations. Une famille un peu nomade mais toujours près de la mer.
« On déménageait tous les trois ou quatre ans ».
Une enfance en Afrique, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, puis, Brest, Nantes, La Rochelle.
« Je m’adaptais très bien, il ne s’agissait pas de renoncer mais bien d’aller voir ce qui se passait ailleurs. Je suis resté à Nantes où j’ai fait mon externat de médecine, et par la suite, mes parents ont continué à voyager ».
Une envie de vivre sa vie outre-mer, de repartir sous une autre forme. L’occasion se présente après le concours de l’internat de médecine. Il choisit d’intégrer les Dom Tom pour y faire la moitié de son cursus, l’autre se faisant à Bordeaux. Direction les Antilles et la Réunion.
« Après le diplôme de réanimation, je suis reparti travailler à Fort de France pour mon premier poste en tant que médecin hospitalier. Je suis rentré quelques années plus tard à Lyon ».
Ce sera sa seule année loin de la mer avant de mettre le cap sur l’Hôpital Saint-Louis, à La Rochelle où il est médecin-réanimateur.
« Ce poste correspondait à mes préoccupations. J’avais besoin de m’occuper des gens, les soigner. Un malade arrive, on ne sait pas ce qu’il a, il faut s’occuper de lui, informer sa famille, faire un diagnostic, commencer un traitement pour lui sauver la vie, en voir les effets dans les heures qui suivent, voire dans les quelques jours mais surtout pas attendre trois mois ! Cette démarche intellectuelle correspondait bien à mes prérogatives ».
Autre satisfaction, cette spécialité est généraliste. Un métier comme un voyage, le choix de l’ouverture, toujours, contre le cloisonnement.
« Il y a tellement de choses à apprendre, à découvrir tous les jours ! »
Le besoin de comprendre aussi comme ce matin où, après une tempête, il va courir le long de la mer.
« La plage était couverte de détritus, je marchais sur une marée de plastique. Une situation insupportable qui m’a amené à réfléchir sur l’hôpital où, dans ma spécialité, on est très consommateur de plastiques, de papiers et de métal ; lors des soins, on utilise des kits tous faits comme pour des cathéters centraux. Il y a vingt ans, beaucoup de ces matériaux étaient stérilisés, mais aujourd’hui, on les jette immédiatement après déballage. Et pourtant la logique voudrait que s’occuper de la santé des gens intègre également leur environnement. C’est un cercle vertueux ».
Face à l’inimaginable inertie administrative qui peut décourager, il faut se retrousser les manches. Résultat, quatre années ont été nécessaires pour créer un comité de développement durable.
« Nous avons mis en place le recyclage des métaux et le circuit papier dans le service réanimation, et nous avons fait disparaître les imprimantes des bureaux des médecins au profit d’une imprimante commune ».
Et côté poubelles ?
« Il y a les déchets jaunes, les contaminés et les noirs. Nous avons ouvert les collecteurs et nous avons constaté les dégâts : la moitié des déchets qui devaient être dans le sac noir étaient dans le jaune et vice versa. Nous avons donc imaginé de nouveaux protocoles pour rééduquer, réinformer le personnel en partenariat avec le service d’hygiène ».
Il y a tant de choses à faire ! Le développement durable est un autre voyage pour Alexandre Herbland. Pourquoi ne pas faire une formation, devenir référent avec une double casquette, santé et développement durable, être une passerelle entre les deux mondes ? L’idée est logique, positive pour tout le monde, y compris pour les malades, mais elle n’est pas inscrite dans les textes. Un médecin reste un médecin sacrebleu ! Sacro saintes normes, sacrées barrières ! Il est temps peut-être pour le Dr Herbland de se poser pour réfléchir, abandonner le rythme du travail et des gardes, deux à trois week-ends par mois, peu compatibles avec la vie de famille.
« Un rythme qui éteint ».
Et prendre le temps d’explorer.
« J’ai discuté avec d’autres personnes, des psychologues, des philosophes, des sociologues, des linguistes, qui ont un autre référentiel de réflexion. J’avais besoin de m’ouvrir l’esprit, de comprendre mon métier à travers un autre point de vue que celui du médecin, d’explorer des domaines qui enrichissaient mon exercice de la médecine et de la santé ».
Aujourd’hui, le Dr Herbland travaille à l’assistance médicale pour les expatriés français :
« je vois comment se passe la médecine à l’autre bout du monde ».
À 47 ans, cet amoureux du tempo vif de la salsa pour laquelle il est allé dans des bouts de monde, qui rêve de se mettre aux claquettes, qui ne rate jamais le Festival du Film et du Livre d’Aventure de La Rochelle, s’est remis au piano. Il a retrouvé sa liberté dans l’organisation du travail, « une source de bonheur » et prend le temps de conjuguer les verbes courir (il a pratiqué des courses longues distances), lire (des récits de voyages comme ceux de Sylvain Tesson), réfléchir, explorer. Et de transmettre à ses enfants des valeurs d’humanité,
« celles que je porte haut dans mon cœur, qui sont inaltérables, quelques soient le courant de pensée du moment, les tendances, les penchants de la société ».
Parfois impatient pour les choses qui lui tiennent à cœur, il est fidèle à lui-même, à ses valeurs. Poser son quotidien pour partir à l’aventure comme celle du développement durable que le Dr Herbland a rencontrée, un matin sur une plage de La Rochelle…
Propos recueillis par Véronique Molières